dimanche 2 décembre 2018

Pleurer de gratitude

Ce matin, à vélo, près d'un viaduc voisin de la marina de Mazatlán, Nancy et moi sommes passés à côté d'un homme complètement saoul, endormi face au soleil, la bouche ouverte. Près de lui, une bouteille de téquila bien entamée, un sac brun avec je ne sais trop quoi, un gros Pepsi à moitié vide. Des gens passaient (des gringos, pas des Mexicains) sans se préoccuper de lui.

C'était impossible de le laisser là. En plein soleil, il n'aurait pas tenu longtemps. De l'autre côté du boulevard, un gros arbre faisait une ombre de plusieurs mètres de diamètre. C'est là qu'il fallait l'emmener.

Après beaucoup d'efforts, je suis parvenu à le réveiller. Il avait de la difficulté à parler, ses yeux n'arrivaient pas à se fixer sur quoi que ce soit. Il bavait. Son gilet tout crotté était mouillé de sueurs. À deux, Nancy et moi sommes arrivé à le redresser. Ses jambes étaient de la guenille. Il tenait à peine debout, même si nous le soutenions solidement.

On a arrêté le trafic sur le boulevard et on l'a fait traverser. Lentement. Pas à pas. Jusqu'à l'ombre. Il s'est laissé aller doucement, épuisé des quelques pas qu'il venait de faire.

- Ça ira, Monsieur? Peut-on faire quelque chose d'autre?

Il a tourné le regard en tous sens pour chercher à nous reconnaître. Mais il était trop ivre. Il comprenait seulement qu'il était maintenant à l'ombre.

- Merci, a-t-il bredouillé, la bouche pâteuse. Oh, merci! Ça ira bien, maintenant.

Et il s'est mis à pleurer en s'efforçant toujours de reconnaître qui avait pris la peine de l'aider de la sorte.

- Mieux. Ça ira mieux, a-t-il répété une dernière fois, en pleurant, avant de se laisser aller sur le sol et de finir de cuver son trop-plein d’alcool.

5 commentaires:

  1. Bravo à vous deux. Si tout le monde avait de temps en temps de tels gestes d'empathie, ça irait moins mal sur la planète...

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  2. J'ai l'impression qu'il y a comme une lassitude de la misère. Les gens ne sont pas méchants, ils se disent: "Pas encore un? Et puis merde!" Je pense. Je ne sais pas. Peut-on passer à côté de quelqu'un qui a l'air mort, la bouche ouverte, mouillé de sueurs, au soleil à 30°C? La réponse est oui. Nous venions de croiser 3 gringos. ¯\_(:/)_/¯

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  3. Mise à jour (4 décembre) : Vous ne croirez pas à cela. Mazatlán est une ville de 650.000 habitants. Après-midi, nous étions en plein centre-ville, à des kilomètres de l'endroit où nous avons laissé notre bonhomme. Croyez-le ou non, nous sommes tombés dessus!!!! Il était assis sur le trottoir où nous passions!!!

    On a jasé un peu avec lui. Évidemment, il ne souvenait pas du tout de nous (surtout que nous étions habillés en sortie de ville, alors que dimanche nous avions nos casques de vélo sur la tête et les verres fumées qui nous mangent la moitié du visage), mais le bonhomme filait bien. Un peu perdu, mais sobre (du moins, il le paraissait). On n'en revenait juste pas. Il a semblé se rappeler vaguement avoir été déplacé à l'ombre, mais peut-être qu'il disait ça pour nous faire plaisir, je ne sais trop.

    Mais bon, ce qui est incroyable c'est : combien avions-nous de chance, statistiquement, de tomber sur lui en pleine ville? Débile!

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  4. @Pierrôt et Sylvie : Vraiment ! En plus, Camille l'a croisé une troisième fois (ce fut la dernière toutefois) en faisant du vélo un après-midi, à l'opposé d'où nous l'avions rencontré la première fois...

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