Un petit article du Journal Le Devoir, écrit par Louis Cornellier enseignant de littérature au collégial sur le dernier livre de Camille... Un petit article pas mal intéressant, sur un roman super intéressant et qui se lit super bien... Opération Eiche.
Voici l'article :
"Le 12 septembre 1943, Hitler déclenche l’opération Eiche (« chêne »,
en français). Le but : libérer Mussolini, emprisonné en Italie depuis sa
destitution survenue le 25 juillet précédent.
Le pays de Dante, à ce moment, est aux abois. Les Anglo-Saxons
viennent de débarquer en Sicile, l’armée est en déroute et Mussolini,
hier encore adulé, est devenu « l’homme le plus détesté d’Italie »,
selon la formule du roi Victor-Emmanuel III, en s’entêtant à soutenir
Hitler. Le 25 juillet, donc, le roi annonce au Duce que le Grand Conseil
fasciste vient de voter une motion de défiance à son endroit, avant de
l’écrouer dans l’intention de le livrer aux Alliés.
Dès le lendemain, Hitler fulmine. Sans Mussolini à sa tête, l’Italie
est perdue pour l’Allemagne. Il importe donc de le libérer et de le
rétablir dans ses fonctions, d’où l’opération Eiche, lancée quelques
semaines plus tard.
Moi qui croyais avoir une assez bonne connaissance des grands
événements liés à la Deuxième Guerre mondiale, me voilà forcé de
constater qu’il m’en manque des bouts. Je découvre, en effet, les
détails de cet épisode grâce à Opération Eiche (Québec Amérique, 2023, 168 pages) lien : https://www.quebec-amerique.com/collections/jeunesse/14-ans-et-plus/magellan-14/operation-eiche-10689, un énergique roman jeunesse du plus que prolifique Camille Bouchard.
Ce dernier n’en est pas à ses premières armes en matière de roman historique. Dans son excellente série Le siècle des malheurs
https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/580185/les-malheurs-de-camille?utm_source=recirculation&utm_medium=hyperlien&utm_campaign=corps_texte (Boréal, 2018-2020), il mettait en récit la révolution mexicaine, la
colonisation de l’Afrique, le racisme américain institutionnalisé, la
bombe atomique et la guerre d’Indochine.
L’inventivité de ce romancier est éblouissante. Donnez-lui un sujet
et il en fera, rapidement en plus, un roman instructif et tonique, que
les jeunes et les autres dévoreront avec grand plaisir.
C’est le cas, encore une fois, avec Opération Eiche, « une
aventure basée sur d’extraordinaires faits réels », narrée à partir du
point de vue de Tommaso, un jeune berger italien plongé bien malgré lui
au coeur de l’histoire.
Avec son ami Niccolò et son chien Achille, le garçon cherche un
mouton égaré dans les montagneuses Abruzzes quand des planeurs allemands
surgissent dans le ciel. L’un d’eux vole si bas qu’il frappe la tête
d’un mouton avant de s’écraser. L’opération Eiche, dont ces enfants
ignorent tout, est en cours.
À quelques pas de là, en effet, se trouve une station de ski
transformée en geôle de Mussolini. Le lieu est si imprenable qu’on
imagine mal les Allemands s’y risquer. Les voilà pourtant qui tombent du
ciel !
Bouchard, sans jamais peser sur son crayon de pédagogue, se fait
historien à sa façon. Il enseigne en racontant. Il présente avec vigueur
les principaux acteurs de ce rocambolesque épisode de la guerre.
On rencontre ainsi Otto Skorzeny, la brute de la Waffen-SS qu’Hitler a
choisie pour mener l’opération, « une sorte de taureau furieux qui
s’est plu toute sa vie à foncer dans les clôtures de broche ». On
rencontre aussi un Hitler rendu hystérique par la trahison des
hiérarques italiens et déterminé non seulement à retrouver Mussolini,
mais à capturer le roi Victor-Emmanuel III et le pape Pie XII pour se
venger d’un tel affront.
On rencontre, enfin, le Duce déchu, qui a perdu sa superbe des beaux
jours du fascisme. En contre-plongée et vêtu de son uniforme militaire,
le chef, sur les photos de propagande, a l’air d’un colosse, nous
explique-t-on. Pourtant, quand les jeunes bergers le voient enfin de
près, à la fenêtre de sa prison de circonstance, l’homme n’en impose
plus et « n’a pas du tout l’expression d’un dictateur en contrôle de
tout ».
Les Allemands, grâce à l’effet de surprise et à la confusion des
militaires italiens, qui ne savent plus à quels alliés se vouer,
réussiront leur mission sans qu’un seul vrai coup de feu soit tiré.
Dans le désordre qui accompagne les événements, Bouchard insère ses
petits bergers et leur attribue l’audace de s’approcher de Mussolini
pour exiger de sa part un dédommagement pour la perte du mouton tué par
le planeur allemand. C’est le sourire du romancier, au coeur d’une
histoire dont on connaît, par ailleurs, les tragiques tenants et
aboutissants.
Depuis plus de trente ans, trois romanciers pour la jeunesse ont
procuré de grands plaisirs de lecture à l’adulte que je suis. Chaque
année, à l’occasion de la parution de notre édition consacrée à la
littérature jeunesse, j’ai une pensée émue pour le regretté Raymond
Plante, dont L’intégrale des Raisins (Boréal, 2010) demeure un chef-d’oeuvre du genre.
De même, je tiens François Gravel pour un écrivain de génie depuis que j’ai lu sa série Sauvage
(Québec Amérique, 2010), en plus du reste de son oeuvre, une des plus
imaginatives et des plus réjouissantes de la littérature québécoise.
Camille Bouchard, un maître du roman historique et d’aventure, complète
ce trio d’élite.
Ces trois-là sont d’épatants romanciers, pour tous."
Ici, vous trouverez tous les livres (ou presque!) que Camille a écrit...
https://www.leslibraires.ca/auteur/camille-bouchard-4621